L’installation de l’avocat – Le statut d’avocat

Textes de référence

La Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques et son Décret d’application n°72-468 du 9 juin 1972

L’article 18 de loi n° 2008-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises

L’article P 71.5 du Règlement Intérieur du Barreau de Paris

 

La plupart des jeunes avocats recherchent un contrat de collaboration libérale dès leur entrée dans la profession. Peu nombreux sont ceux qui sont orientés vers un contrat de collaboration salariée et encore plus rares sont ceux qui s’installent dès leur sortie de l’école d’avocats.

 

 

Cependant, ce contrat, qui est devenue la norme, a été dévoyé de son objectif initial qui était un statut temporaire conduisant le jeune collaborateur à une association ou à son installation. En outre, des abus conduisent régulièrement à des actions en requalification, là où la déontologie et les règles de la profession devraient permettre d’éviter des comportements inacceptables.

 

Le statut du collaborateur libéral est né de la Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 et du Décret du 9 juin 1972 qui a permis une protection minimale du collaborateur au regard du comportement de l’avocat déjà installé.

 

L’article 7 de la loi qui renvoie à la loi du 2 août 2005 et aux article 129 et suivants du Décret précise que « la collaboration est un mode d’exercice professionnel exclusif de tout lien de subordination, par lequel un avocat consacre une partie de son activité au cabinet d’un ou plusieurs avocats. Le collaborateur libéral peut compléter sa formation et peut constituer et développer une clientèle personnelle ».

 

 

Par ailleurs, à la suite de la fusion en 1992 des professions d’avocat et de conseiller juridique, un second statut a été créé, celui de collaborateur salarié, afin de tenir compte de la réalité des cabinets de conseil qui employaient des salariés.

 

Il existe donc aujourd’hui deux statuts, indépendamment de l’hypothèse d’une installation, celui de l’avocat libéral et celui de l’avocat salarié, qui sont diamétralement opposés tant dans leur esprit que dans leur incidence.

 

Il faut se reporter au critère de « l’indépendance de l’activité » pour les distinguer. Si ce critère fait défaut, la prestation de l’avocat pourra être qualifiée en relation de travail subordonné. Les juridictions recherchent, pour retenir la qualification de « collaboration libérale », si l’intéressé disposait d’une autonomie suffisante pour constituer une clientèle personnelle ou de moyens suffisants pour la développer (Cass., 1ère civ., 14 mai 2009, 08-12.966).

 

En pratique, de nombreux avocats collaborateurs sont placés sous la tutelle de leur associé et ne bénéficient pas d’une indépendance telle que fixée par les textes et la jurisprudence.

 

C’est ainsi que certains collaborateurs libéraux remettent aujourd’hui en cause cette dichotomie et récusent leur statut qu’ils jugent s’apparenter à celui du salarié, sans les garanties qui y sont associées par la loi, au point que des voix autorisées qualifient ce statut de « véritable arlésienne au sein de nombreux cabinets », qui « maquille souvent la condition juridique de salarié » avant de conclure que le « dévoiement actuel [du statut du collaborateur] n’a que trop duré ».

 

D’autant que l’article P 71.5 du Règlement Intérieur du Barreau de Paris interdit aux avocats employés par les cabinets de saisir le Conseil de prud’hommes, dans le cadre de l’exécution de leur contrat, que celui-ci soit dénommé contrat de travail ou contrat de collaboration libérale .

Le débat est donc dense, passionnée et contemporain.

 

 

 

Collaborateur versus salarié   

 

Le collaborateur salarié est soumis au droit du travail et aux règles classiques du salariat.

 

En contrepartie de la sécurité liée à son statut, l’avocat salarié dépend des clients du cabinets dans lequel il officie. Il n’est pas autorisé à développer sa clientèle personnelle qui, in fine, appartiendrait nécessairement à son employeur.

 

Le collaborateur libéral échappe quant à lui au régime social et fiscal des travailleurs salariés, il est un travailleur indépendant et règle ses cotisations chaque année via la déclaration sociale des indépendants.

 

L’avocat collaborateur, ayant un statut fiscal et social d’indépendant, peut facturer en son nom et développer sa clientèle personnelle.

Pour se prévaloir de ce statut, il faut que l’intéressé :

 

 

 

  • Soit non salarié,
  • Bénéficie d’un contrat de collaboration libérale conclu dans le respect des règles régissant la profession,
  • Exerce sa profession en toute indépendance, sans lien de subordination après d’un professionnel et /ou d’une personne physique ou morale exerçant la même profession.

 

 

Le contrat de collaboration doit prévoir les conditions offertes au collaborateur pour le développement de sa clientèle personnelle, c’est d’ailleurs le sort de cette clientèle qui sera en partie prévu dans les conditions et les modalités de rupture de contrat.

 

Dans la plupart des cas, une clause de non concurrence est stipulée dans le contrat car l’avocat propriétaire du cabinet souhaitera protéger sa clientèle. Le collaborateur aura ainsi l’interdiction de nuire aux intérêts du cabinet et de s’installer à proximité du cabinet qu’il vient de quitter.

 

Cette clause en revanche n’interdit pas au collaborateur de partir avec sa clientèle personnelle.

 

Le statut de collaborateur libéral est aujourd’hui grandement préféré à celui de collaborateur salarié.

 

Les raisons en sont multiples.

 

Du point de vue de l’avocat propriétaire du cabinet, ce statut lui permet de bénéficier des compétences d’un avocat dont le statut est beaucoup plus souple que le salariat, sans temps de travail limité ni rémunération imposée car elle n’est pas réglementée.

 

Le contrat de collaboration libérale permet également une intégration progressive du jeune professionnel dans le cabinet, il répond de manière flexible à une surcharge d’activité ou à une problématique de cession de clientèle.

 

Du point de vue du collaborateur libéral, le contrat de collaboration permet le développement de sa propre clientèle et –au moins au plan théorique- de préserver l’esprit libéral de la profession, tant du point de vue hiérarchique que financier.

 

Pourtant, ce statut de plus en plus critiqué est largement remis en cause aujourd’hui.

 

Selon une étude réalisée par la Direction générale des entreprises en 2016, beaucoup de jeunes collaborateurs peinent à se constituer une clientèle personnelle.

 

Les avocats propriétaires du cabinet estiment souvent que le temps consacré par le collaborateur libéral à sa clientèle personnelle empiète trop sur l’activité consacrée à la clientèle du cabinet.

 

Il en résulte que dans la plupart des cas, la totalité du temps de travail est consacrée aux dossiers du cabinet et non à sa propre clientèle.

 

Empêché de facto, le collaborateur libéral a donc peu de perspectives d’installation s’il n’a pu développer sa clientèle personnelle.

 

L’avocat collaborateur se trouve ainsi bien souvent dans un état de dépendance économique de fait, multipliant les nocturnes ou les week-ends passés au cabinet pour honorer les time sheets imposés, espérer un bonus annuel ou conserver sa collaboration.

 

C’est pour lutter contre ces écueils que la décision du 07 mai 2014 portant réforme du Règlement Intérieur National (RIN) de la profession d’avocat (art. 21-1 de la loi du 31 décembre 1971 modifiée) a tenté d’améliorer le statut du collaborateur libéral en prenant notamment en compte la notion de « parentalité ». Cette notion englobe la maternité, la paternité et l’adoption.

 

Ainsi, le nouvel article 14.5 du RIN encadre désormais la suspension de l’exécution du contrat de collaboration libérale en cas de parentalité.

 

Pourtant, n’est-ce pas l’aboutissement d’un parallélisme juridique aussi inapproprié que dépassé ?

 

Car cette assimilation périodique du contrat de collaboration au contrat de travail éloigne chacune des parties de l’esprit libéral de la profession :

 

– côté cabinet, le collaborateur est parfois perçu comme un simple prestataire de service, libre néanmoins de développer sa clientèle aux frais du cabinet,

– côté collaborateur, le « patron » devient un employeur qui assume seul les risques économiques de l’entreprise.

 

Dans ce contexte, il semble nécessaire de repenser un contrat de collaboration libérale rénové et conçu comme un facteur d’attractivité pour les jeunes avocats.

Car l’essence même de la profession d’avocat n’est-elle libérale et entrepreneuriale ?